Protéger les cultures des parasites est possible par la diversification végétale, mais les obstacles socio-économiques sont encore très grands
- Dynafor
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Aude Vialatte a coordonné un dernier article de synthèse, publié en accès libre dans One Earth, de revue des connaissances scientifiques internationales, mises en œuvre dans le cadre de l'expertise scientifique collective INRAE RegulNat (2019-2022), sur les pratiques de diversification végétale comme levier pour protéger les cultures des parasites.
Vialatte, A.; Tibi, A; Alignier, A et al., (2025) Protecting crops with plant diversity: Agroecological promises, socioeconomic lock-in, and political levers. One Earth (2025), https://doi.org/10.1016/j.oneear.2025.101309

Abstract:
Plant diversification at field, farm, and landscape scales is a key strategy for protecting crops from pests. But its level of adoption remains confidential, while the overall negative impacts of pesticides are now well established. To understand the obstacles to this adoption, we conducted an extensive review of literature in life and socio-economic sciences. We found that all diversification practices are largely effective in pest control, achieving satisfactory yields and many ecological cobenefits, although context dependent. Plant diversification does not appear solely as an alternative to pesticide-based pest control but as a transformative approach to achieve sustainable agrifood systems. However, its adoption is currently strongly hindered by socioeconomic barriers, including low short-term profitability, rigid agricultural sectors, and limited support from public policies. The most beneficial practices, agroforestry and diversified landscapes, face the greatest obstacles. In contrast, cultivar mixtures, while easier to implement, offer limited cobenefits. Collaboration between scientists, policymakers, and local stakeholders seems essential to scale up plant diversification.
Résumé:
La diversification des plantes à tous les niveaux - par le biais de mélanges de variétés, d’associations de cultures, de l'agroforesterie, de la diversification des rotations des cultures ou de l'augmentation de la diversité des paysages - constitue une stratégie prometteuse, mais sous-utilisée, pour protéger les cultures contre les parasites. Cette revue des connaissances scientifiques internationales sur les pratiques de diversification (>1400 articles) s’est penchée sur les raisons de cette sous-utilisation en menant une évaluation globale et complète de ses avantages et de ses défis.
Nous avons constaté tout d’abord que les pratiques de diversification permettent de lutter efficacement contre un large éventail de ravageurs, y compris les insectes, les mauvaises herbes et les maladies, tout en améliorant souvent les rendements. Elles génèrent également de nombreux avantages écologiques secondaires qui s'étendent au-delà de l'exploitation, bénéficiant à la fois aux agriculteurs et à la société : soutien à la biodiversité, qualité des sols agricoles, régulation de la quantité et qualité de l’eau, stockage du carbone. Dans le contexte des épisodes climatiques violents et récurrents dans tous nos territoires, liés au changement climatique, ces co-bénéfices sont essentiels, d’autant plus que les rendements agricoles s’avèrent plus résistants à ces impacts.
Notre étude révèle ensuite que les principaux obstacles à leur adoption sont notamment la faible rentabilité à court terme de ces pratiques dans les secteurs agricoles actuels, mais ce n’est pas étonnant car ces derniers sont organisés autour d’une production agricole basée sur l'utilisation-même de pesticides. C’est le principal verrouillage. Les politiques publiques actuelles n'offrent également pas un soutien suffisant pour encourager les mesures de diversification, en ne visant que les agriculteurs.rices qui s’avèrent un chainon d’un maillage beaucoup plus large.
Nous avons comparé les pratiques de diversification entre elles : les plus bénéfiques, telles que l'agroforesterie et la diversification à l'échelle du paysage (avec des haies, bosquets, marres…), sont confrontées aux blocages systémiques les plus forts. En revanche, les mélanges de variétés, bien que plus faciles à mettre en œuvre et efficaces contre les maladies des cultures, offrent des avantages écologiques secondaires plus limités.
L’étude montre enfin que les pratiques de diversification ne constituent pas une simple boite à outils dans laquelle on pioche pour remplacer tel ou tel pesticide, mais qu’elles s’inscrivent dans une démarche associée à un changement systémique qui inclut la co-construction collective et doit être mises en œuvre à l’échelle des territoires en intégrant les contraintes locales (climatiques, pédologiques), les filières économiques présentes et à développer et les politiques publiques régionales. Des exemples, notamment en Chine et en Italie, illustrent ainsi le rôle central des coopératives dans ces dynamiques : plus les agriculteurs.rices participent à une coopérative et plus il y a de coopératives différentes, plus il y a de diversité végétale localement, plus il y a de partage d’informations et de coordination pour gérer les bioagresseurs dans les territoires, plus la rentabilité est importante et plus les rendements augmentent dans le temps.
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